Zidane, ce héros
Le choix cornélien de ZinédineEn se faisant exclure à la fin de ce match ultime qui devait «couronner» sa carrière, Zidane a montré qu'il n'y avait pas que le football, dans la vie. Qu'il n'y a pas que la Coupe du Monde, dans une tête. Que la dignité est plus grande que le sport, la gloire et la télé. La dignité, ou l'honneur, comme on voudra, est plus forte qu'une photo dans les journaux. On ne se laisse pas insulter, voilà tout. On n'avale pas l'amère couleuvre de l'injure pour avoir la honteuse satisfaction de sortir du stade sous les applaudissements. Zidane en héros cornélien ? Exactement. A cette différence près qu'il n'y aura pas eu «dilemme», ni «débat». Le stade n'est pas une scène. Pas question de tirade en alexandrins, ni même d'un seul mot prononcé. Un coup de bélier dans la poitrine, un coup de bélier proprement assené, droit, net comme une belle tête dans la lucarne. Que vaut le reste ? Le droit de se regarder dans la glace n'a pas de prix. Zidane n'a pas remporté la Coupe du Monde, qui d'ailleurs se gagne ou se perd sur un coup de dés : il l'a largement dépassée. Honneur à Zinédine, honneur à celui qui n'a pas plié devant elle, qui n'en aura été «ni le vainqueur ni l'esclave» (« Horace », I, 3).
Jacques Drillon
Nouvel Observateur